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Du 2020-09-24 au 2020-10-24

DE MELBOURNE À MONTRÉAL

Je me rends vite compte que j’ai hérité d’un enfant qui a le diapason absolu dans l’oreille. À peine a-t-il appris le nom des notes et quelques pages de sa méthode de piano que Julian transpose ses petits morceaux en do, tous sur les touches blanches, en d’autres tonalités. Il pose ses doigts n’importe où sur le clavier et ils se hissent sur les touches noires quand la mélodie le demande. Les sons, le rythme, tout est un jeu pour lui. Je me jure de ne pas décourager mon petit prodige et de lui faire aimer la musique, même si je dois m’armer de patience pour l’obliger à lire les notes plutôt que d’improviser à son gré. Le Little Julian !

Le 22 novembre, pour le concert annuel de la sainte Cécile, Julian est sur le podium et dirige le Toy Orchestra avec tout l’aplomb d’un chef d’orchestre chevronné.

Après deux ans, Julian quitte l’ICAM pour une autre école et il commence l’étude du violon. Il est reconnu comme exceptionnellement doué et il obtient des succès remarquables. Nous gardons le contact car il m’envoie des nouvelles à l’occasion de concerts et de diplômes avec des photos signées your Little Julian. Après mon retour au Canada en 1965, j’ai appris qu’il avait obtenu une bourse offerte par la Première Dame des Philippines, Imelda Marcos, pour poursuivre ses études musicales au Juillard School de New York. Je l’ai perdu de vue ensuite.

2 juin 2007

Une ancienne élève de ICAM émigrée aux États-Unis, Vivian de la Rosa, me demande de lui prêter d’anciennes photos de son école pour en faire un DVD. Par hasard, j’inclus dans mon envoi une photo de 1953 montrant Julian Quirit dirigeant le Toy Orchestra. Elle le connaît de réputation et elle me répond : Savez-vous qu’il est devenu un violoniste de renommée internationale et qu’il dirige l’Orchestre Philharmonique de Melbourne, en Australie ? Je lui fais savoir que j’ai retrouvé son premier professeur de musique. Quelques jours plus tard, je reçois une lettre d’amour à mon adresse Internet. Mon petit Julian d’autrefois me dit sa joie d’apprendre que  je suis encore bien vivante au Canada. J’ai toujours rêvé de pouvoir vous dire que je vous dois ma carrière parce que vous avez su me faire aimer la musique, écrit-il. Il m’informe sur son parcours de musicien depuis le moment où j’ai quitté son pays et je refais aussi le mien. Comme cadeau de Noël, il m’annonce son projet de venir à Montréal en 2008.

19 septembre 2008

Cette visite a été précédée d’une longue préparation car le projet de Julian est de venir présenter un récital de violon en hommage à son premier professeur. Le programme — huit pièces classiques de grands maîtres — a été envoyé de Melbourne. Au retour d’un voyage en Europe, Julian et Minerva, son épouse, font une escale au Canada. Le 19 septembre, j’ai la joie de les accueillir au couvent de Pont-Viau, à Laval. La jeune Sr Marie-Pia en habit religieux qu’il avait connue en 1953 est devenue une vieille madame à la tête blanche qui porte même un nouveau nom... Et Little Julian est à l’aube de ses soixante ans ! Un moment d’émotion difficile à décrire...

Dans l’après-midi, accompagné par M. Balan, un ami pianiste d’origine roumaine, Julian présente son récital et rappelle à l’auditoire le but de son voyage à Montréal : témoigner sa gratitude à son ancien professeur et remercier les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception d’avoir établi des oeuvres dans son pays. Le programme se déroule dans un silence impressionnant. L’auditoire est ému devant la beauté des sons que l’artiste tire de son violon, jouant de mémoire, les yeux mi-clos, visiblement dans un autre monde, un monde d’harmonie et de beauté. Plus d’une fois, pour ma part, des larmes d’émotion ont coulé... Julian a parcouru tant de chemins depuis le jour où sa mère me suppliait de le prendre comme élève à Manille. À sa demande, je l’accompagne pour un dernier morceau.

 Madame Quirit enregistre ce concert unique pour en faire un DVD qu’elle m’enverra plus tard de Melbourne en souvenir de l’événement. À la fin du récital, Julian s’empare du microphone et désigne aux invités les photos d’autrefois disposées sur une table. Comme vous voyez, j’étais destiné à devenir chef d’orchestre et j’ai eu ma première leçon à cinq ans avec Sr Marie-Pia, dit-il, en faisant allusion à la photo du Toy Orchestra au concert à l’ICAM en novembre 1953 qui a été l’élément déclencheur de ces retrouvailles inédites.

Cette émouvante manifestation de reconnaissance de Julian Quirit, un très grand artiste, envers la jeune missionnaire d’autrefois à qui il attribue l’orientation de sa carrière musicale, a été un événement inoubliable. Un MERCI du coeur, Little Julian !

Du 2020-09-06 au 2020-09-30

LES CRIS DINDIGNATION DE LA TERRE-MERE

Destruction de l’environnement

Chaque jour, les entreprises minières sortent de mes entrailles des millions de tonnes de minerai. Après en avoir extrait la richesse, elles laissent les sols brûlés, les rivières polluées, l’air contaminé. Je m’indigne de voir la vie de millions de travailleurs miniers menacée. Pour les entreprises minières, peu importe, pourvu que le capital financier aille bien !

En regardant l’appropriation des richesses entre les mains de quelques-uns, je m’indigne ! Pourtant j’ai rêvé :

Que la terre jusqu’au sommet des monta­gnes soit un champ de blé dont les épis ondulent comme la forêt du Liban et que les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé (Ps 71,16 Ps 64,14).

Témoignages :

Je m’appelle Victor. J’ai travaillé dans une mine à 4 000 mètres d’altitude. Pour survivre, j’ai mastiqué la « coca » car la compagnie minière nous donnait le minimum au niveau alimentaire. Jamais de lait qui aurait pu annuler la poussière qui entrait dans mes poumons. Puis, on m’a diagnostiqué la silicose et la tuberculose. On m’a donné quelques médicaments et on m’a dit : « Retourne chez toi à Oquebamba », mon village natal. Depuis, je crache mes poumons.

Pachamama, je ne suis plus rien. Je n’ai reçu aucune indemnisation qui m’aurait permis de recevoir quelques soins de base, je n’ai rien pour aider ma famille. Pourtant Seigneur : Le sang des pauvres est d’un grand prix à tes yeux.

Tu es venu Seigneur pour que nous ayons la vie et la vie en abondance (Jn 10,10).

Je m’appelle Miriam, une indignée d’Occupons Montréal.

Pendant ces deux mois au square Victoria, j’ai regardé les édifices qui nous entouraient sachant que là, en silence, ils planifient l’économie capitaliste en prenant soin de se protéger et de protéger les gran­des entreprises.

Sachez que votre indifférence et votre froideur prendront fin un jour, car les marchés ne décideront pas toujours de tout.

Ce qui me soutient dans ma lutte :

Dieu a renversé les rois de leurs trônes et a placé les humbles au premier rang. Il a comblé de biens ceux qui avaient faim et il a renvoyé les riches les mains vides (Luc 1,51-53).

 

Agnès Bouchard