reflexions-et-prieres

Une rivière, nichée au creux d’une prairie, coule paisiblement ses jours faisant danser les rêves au gré de ses vagues, à la fureur de ses remous. Que de souvenirs flottent encore en ses brumes matinales. Que de rires et de pleurs résonnent en silence sur ses berges. Témoin d’une histoire encore bien jeune – 80 ans ce n’est pas si long dans la vie d’une rivière – elle dégèle aujourd’hui, pour nous, des souvenirs enfouis.

Si ma mémoire est bonne, c’était en 1924. On était encore au début d’un siècle porteur de promesses et la jeunesse était notre plus grand atout. Cette pointe de terre était encore vierge, habitée d’oiseaux et de gentils mammifères. C’était encore la campagne à l’époque.

Je suis si heureuse d’avoir été partenaire d’un rêve, celui d’une femme unique et audacieuse, guidée par un amour débordant aux dimensions du monde. Ma beauté l’a conquise et elle s’est mise à rêver d’installer sur ma rive sa famille religieuse encore bien jeune. Quel meilleur endroit pour installer cette ruche bourdonnante de l’enthousiasme de ses jeunes années!

Délia n’était pas une femme à laisser ses projets en friches. Soutenue par son indéfectible confiance en la divine Providence, son rêve prit forme et peu à peu devint réalité. Deux maisons ont élevé leurs murs sur mon rivage : celle de P.M.É. et celle des M.I.C..

Le terrain où se dresse présentement la maison de Pont-Viau appartenait au tout début à la Société des Pères des Missions-Étrangères. À la demande de Mère Délia, en avril 1923, une partie du terrain fut céder pour y construire le noviciat. Mère Délia annonce cette bonne nouvelle à Sr Marguerite-Marie en ces termes : "En la belle fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, j'ai signé le contrat de donation d'un terrain que nous ont cédé gratuitement Nos Seigneurs les Évêques sur la propriété du Séminaire Canadien des Missions Etrangères (environ sept arpents). Nos ressources ne nous permettront pas de commencer dès maintenant à construire le Noviciat et la Maison-Mère, mais nous allons sans tarder y. faire bâtir une dépendance pour loger les novices; cette dépendance servira plus tard de buanderie, ciergerie, reliure, etc. Remercions toutes ensemble notre Immaculée Mère de cette grande faveur et essayons de lui prouver notre reconnaissance en étant de vraies religieuses missionnaires. Je sais que vous allez bien prier pour que cette nouvelle entreprise se fasse en tout selon les desseins de Dieu sur la Communauté. "

La lecture d’un Précurseur du mois de novembre 1923 nous apprend que déjà la construction est commencée et avance bien. C’est le 24 mai 1924 qu’aura lieu l’inauguration de la première construction, lors d’une première messe dans la chapelle, messe présidée par l’abbé Adhémar Lapierre qui est alors l’aumônier.

Il s’agit alors d’un édifice de trois étages, en briques brunes, avec façade vers l'est, face au Séminaire. L'entrée principale est au centre du premier étage. Le plan marque cet endroit par une extension de la maison et un parapet sur le toit vis-à-vis cette entrée (toujours visible aujourd'hui). On atteint l'entrée par un long escalier en deux sections qui débouche près de la chapelle, située à gauche, où se trouvent maintenant les bureaux de la procure (quatre fenêtres). La 5e fenêtre au coin gauche de la maison est la sacristie et la chambre de notre Mère. La salle du noviciat est à l'extrême droite (salle actuelle du groupe Notre-Dame du Bel Amour); le réfectoire et la cuisine sont au rez-de-chaussée, les dortoirs au dernier étage.

Le Séminaire des Missions-Étrangères fut béni le 7 septembre 1924, donc deux mois après le Noviciat M.I.C.. Vraiment la bonne Mère ne perdait pas son temps. C’était les tout débuts et le temps des bénédictions, même la première cloche réglementaire n’y échappa pas. Elle reçut le nom de Marie-Joseph.

  Dès 1926 il faut agrandir l’édifice existant. Lors de sa bénédiction le 23 juin 1927, le    noviciat compte 73 novices et 23 postulantes. En 1929, on ajoute un étage sur         l’ensemble de l’édifice. Les nouveaux locaux sont utilisés pour des dortoirs car les     entrées sont nombreuses. Ils sont aussi utilisés pour loger des jeunes filles qui   viennent faire des retraites. Un autre agrandissement devient nécessaire dès 1932.     Une nouvelle construction de quatre étages, en tout semblable au premier, relié par   une longue passerelle sur trois étages, s’élève à l’ouest de l’édifice existant. La   nouvelle chapelle dédiée à Notre-Dame des Missions est celle qui existe encore     aujourd’hui. Les chroniques de l’époque nous apprennent que les frais en sont   défrayés « par la libéralité de notre toujours si dévouée Madame MacKenzie et la part d’héritage de Mère Saint-Gustave, selon les intentions de notre chère disparue. »

C’est le 2 février 1933 qu’aura lieu la première messe dans la toute nouvelle chapelle. L’autel avait appartenu au monastère des Carmélites de Mtl. et datait de 1873. Quoique dans un mauvais état il fut remonté par l’ouvrier M. Jutras, repeint, et merveilleusement redécoré par les sœurs. Le 12 août 1937 a lieu la bénédiction du cimetière de la communauté. Une grande croix blanche y est installée. Des petites croix blanches sont également dressées sur les tombes des Sœurs, avec le nom et la date du décès.

Le 1er octobre Mère Délia, Marie-du-Saint-Esprit nous quittait et le 7 octobre 1941 un second service, le premier ayant eu lieu à la Maison-Mère, était célébré dans la chapelle du noviciat, suivi de l’inhumation au cimetière de la communauté.

Mais il n’y avait pas que de la construction sur les berges de mon courant, il y avait aussi la vie, et quelle vie! Le travail ne manquait pas. Il y avait les nombreuses activités du quotidiens : à tout seigneur tout honneur, il y avait d’abord les temps de prière : l’eucharistie quotidienne, le chapelet, récité tout en se promenant dans le bocage, le Salut du St-Sacrement, etc.. À ceci venait s’ajouter les temps d’étude et les nombreux emplois : la couture, la cuisine, la sacristie, le jardin, les ménages, même les vaches et les poules, et j’en passe et j’en oublie…

Il y avait aussi ces moments spéciaux qui ajoutaient couleur à l’habituel : les reposoirs de la Fête-Dieu, les processions en l’honneur de la sainte Vierge le premier dimanche du mois, le cortège de chars allégoriques dans le bocage pour fêter la Saint Jean-Baptiste, et puis les fêtes, les séances, les récréations, les « Vive Jésus! » en 1959 les chroniques nous parlent même d’un premier pique-nique à la « pointe ». J’en ai entendu des rires et des chants mais aussi des pleurs et des soupirs… C’est qu’elles étaient bien vivantes ces belles jeunes filles et si belles dans leurs costumes blanc et bleu. Ce que j’ai aimé les voir se promener sur le chemin, s’arrêtant bien entendu juste avant d’arriver chez nos voisins les PMÉ.

Le nombre de novices et de postulantes allait croissant et le nombre de professes allait aussi vieillissant. Il fallait déjà y songer. En 1955 est inauguré l’Ermitage Marie-du-Saint-Esprit et installation de la véranda sur le toit, avec une structure protégeant du soleil et de la pluie.

Le 12 octobre 1964, une femme laïque est engagée pour faire le ménage à l’Ermitage. C’est une première et le début d’une liste plus nombreuse d’employé(e).

Les sœurs étaient encore en pleine forme et rien ne semblait pouvoir arrêter leur ardeur. Les chroniques de 1960 mentionnent qu’on a planté 1600 pieds de tomates et qu’on a récolté 100 poches de petites fèves. On entaille aussi les érables et Sœur Flore Savignac préside à la plantation de 150 lilas, 32 pruniers, 8 cerisiers et 2 douzaines de rosiers. À l’occasion de Pâques, on fait même cadeau à la Maison-Mère de 30 douzaines d’œufs des poules du noviciat.

Saviez-vous qu’en 67 nous avons même eu un Ciné-Club, regroupant les P.M.É., les sœurs Antoniennes de Marie, les sœurs du Bon-Conseil et les M.I.C.?

Et puis, vous le savez bien les choses changent et un jour, le 25 mars 1971 fut le dernier jour des novices à Pont-Viau quittant les bords de la rivière des Prairies pour les rues de la grande métropole de Montréal à notre Maison-Mère d’Outremont.

Les rénovations ne cessent pas pour autant car la vie continue tout aussi ardente et pleine d’enthousiasme. En juillet 1971 a lieu la rénovation et la transformation des locaux dans la maison centrale de Pont-Viau. Le 24 juillet 1971 fut l’ouverture officielle du Centre de Santé communautaire et en 1975 la construction du Centre de Santé MIC : deux étages et sous-sol, à l’est du premier bâtiment et rattaché par un corridor au rez-de-chaussée. Dès février 1976, on y déménage les sœurs malades.

Les bulletins INFI-MIC des années 70 relatent les événements qui surviennent à Pont-Viau : professions, jubilés, Cause Délia Tétreault, concerts, accueil de réfugiés, réunions de groupes divers, bazar KER-MIC, cours privés, sessions de spiritualité, retraites, rencontres des religieux et religieuses de Laval, des infirmières, animatrices missionnaires, conférences et j’en oublie certainement… Les cours privés : langues, mathématiques et musique se sont étalés sur une longue période de 1973 à 1998 et de nombreuses m.i.c. ont œuvré et oeuvrent encore dans ce domaine.

Que de jeunes ont visité cette noble demeure. Une première mention est faite en 1965 de visites d’élèves d’écoles de Laval, des élèves de Granby et des Trois-Rivières, visite de Croisés, Croisillons, des Cadettes du Sacré-Cœur, week-end MISSI, Jeunesse en Marche.

Le 4 mars 1980 est terminé la construction de la résidence « Val-Marie ». Une nouvelle fraternité composée de M.I.C. qui travaillent dans les services de la maison de Pont-Viau s’y installe dès le 17 mars.

C’est le 19 juin 1984 que débute la construction d’une nouvelle aile de cinq étages, le Pavillon Délia Tétreault. Le 19 mai 1985, c’est « Portes ouvertes » et les résidentes y sont installées.

En octobre 1983, avait eu lieu l’exhumation des restes mortels de Mère Marie-du-Saint-Esprit  et les démarches officielles en vue de l’introduction de la Cause à Rome s’était mis en marche. En 1999, l’emplacement du tombeau de Délia Tétreault, s’embellit d’un nouveau vitrail représentant le rêve de Délia.

Monique Bigras, m.i.c.